Dire que l’on rêve de ce trek depuis le Tour Du Monde de Marie et Adrien ou Emma et Xavier est un réel euphémisme. On parle de ce parc comme l’un des plus beaux d’Amérique du Sud, de ce trek comme l’un des plus exigeants, notamment parce que l’on doit porter tente et nourriture pour cinq jours.
L’idée de porter un sac de 15-20kg sur cinq jours ne nous réjouit franchement pas. Bien que l’option des réfuges soit très onéreuse, on décide de se la jouer « poshpackers » comme dirait notre ami David, voyageur low-cost au très très long cours rencontré à Puerto Natales. Et autant dire qu’on ne va pas regretter une seule seconde !
De manière surprenante, il est assez difficile de trouver des informations sur le W. Les premières fois qu’on regardait une carte du parc, on avait beaucoup de mal à discerner un « W ». Grâce aux précieux conseils d’Erratic Rock à Puerto Natales, on parvient à préparer le trek en un temps record.
À peine arrivés à Puerto Natales, on en est repartis !
Jour 1 : Du vent, beaucoup de vent
Bien qu’étant le jour de marche le plus court, le premier jour n’est pas non plus une sinécure. C’est à l’aube qu’il faut se lever pour prendre un petit déj’ de sportif avant de prendre un bus pour partir à l’aventure.
Une fois arrivés à l’entrée du parc, on paie gentiment son entrée et on regarde attentivement une vidéo nous expliquant qu’il est vivement interdit de faire du feu. Certains ont essayé, le parc a eu des problèmes… Il s’agit alors de remonter dans le bus, jusqu’au Refugio Pudeto.
On commence alors à avoir un aperçu des prévisions météo indiquées à l’entrée… À peine sortis du bus, on s’envole presque. Le vent souffle fort, très fort. On commence vraiment à se demander comment on va faire pour tenir cinq jours dans de telles conditions…
Le bateau sur le Lago Péhoé est à la hauteur des prévisions. Et c’est la journée entière qui va suivre la même tendance. Extatiques, on se lance sur le W, Morgana faisant des bonds partout !
Pénétrant sur le W par la branche ouest, on atteint très vite les rives du Lago Grey.
C’est alors que le vrai vent va faire son apparition. On parle d’un vent à plus de 80km/h. Et ici ce ne sont pas de rares rafales de temps à autre mais un vent absolument permanent. Au point qu’il ne faut pas s’arrêter de marcher sous peine de se faire renverser par le roi Éole…
Au terme de 11km d’une étape vallonée, mais quand même très très loin de l’escalade du dernier jour du trek du canyon de Colca, on atteint le Refugio Grey. À l’atmosphère plus que cosy, on pourrait y rester une semaine entière…
Le Refugio Grey est situé à deux pas du glacier Grey. Bien que beaucoup plus petit que le glacier Perito Moreno, le glacier Grey semble beaucoup plus impressionnant. Peut-être est-ce le fait d’être à seulement quelques dizaines de centimètres des icebergs qui se comptent par dizaines ? Ou de pouvoir monter sur des icebergs ?
Jour 2 : De l’eau à gogo
Après une nuit réparatrice, une véritable petite journée s’annonce. Il s’agit tout simplement d’effectuer le chemin d’hier en sens inverse. Kylie a des soucis avec cette idée, puisqu’elle déteste revenir sur ses pas.
On longe à nouveau le Lago Grey, véritable merveille qui, sous un ciel nuageux, révèle alors sa véritable couleur. Le bleu laiteux est absolument incroyable. Ce sont ses minéraux qui lui donnent cette couleur.
On parle d’une pureté sans pareille. Comme partout ailleurs dans le parc et en Patagonie, l’eau est une des plus saines au monde. Ainsi, quand on est à court d’eau, il suffit de trouver un ruisseau et remplir la gourde. Pas besoin de tablettes, de steripen ou quoi que ce soit. Nada ! C’est fabuleux de se dire que cette partie du monde a réussi à être préservée des assauts de l’homme…
Le vent s’est aujourd’hui bien calmé, on profite nettement plus du chemin.
En fin d’après-midi, on atteint le Refugio Paine Grande, qui doit être une véritable usine en haute saison…
Autant en Asie on jouait franchement avec le feu et la mousson et on n’y était franchement pas à la periode la plus clémente, autant là on a bien visé. Le parc est encore bien calme, les refuges vides ! On se permet même le luxe de réserver nos places en refuge du jour pour le lendemain. Au mois de décembre ou janvier, n’en parlons même pas…
On refait le match autour d’un Pisco Sour loin d’être à la hauteur de celui du Museo Pisco à Cusco et on se couche.
Jour 3 : Du public au privé
Une longue journée s’annonce, une dure journée s’annonce. Pas facile de se lever le matin en se disant que ce sont près de 30 kilomètres qui nous attendent. Et pas des kilomètres de fillette !
Il nous faut d’abord longer les rives venteuses du Lago Nordenskjöld. On atteint alors le campement Italiano. On y laisse une partie de nos affaires et on attaque la montée en direction du mirador Britannico.
La branche du milieu du W est sans doute la plus dure. Tout au long de la Valle Frances, on alterne des passages techniques au milieu des grosses caillasses, des passages relativement plats et des passages d’escalade. Mais la récompense est à la hauteur des efforts consentis. Le mirador est tout simplement incroyable, le panorama à 360º impressionnant.
Il nous faut du temps pour digérer tant de merveilles.
Mais ne rêvassons pas trop, il est déjà 14h et il est censé nous rester 5 heures de marche. Il ne va pas falloir amuser la galerie… Bondissant d’une pierre à l’autre, courrant entre les arbres, sautant au dessus des ruisseaux, l’expérience est grisante. Il nous faut bien moins de temps que prévu pour retourner au campement Italiano.
On pense alors être tout proche du prochain refuge. Pas tout à fait en réalité… Il reste quand même quelques kilomètres et surtout un passage de frontière à passer !
En route pour le Refugio Los Cuernos, on quitte en effet le Parque Nacional Torres del Paine et on rentre sur un terrain privé. Du public au privé, des chemins bien entretenus aux chemins plein de crottin de cheval, signe d’un business fleurissant. C’est le même sentiment qui nous habite quand on atteint le Refugio Los Cuernos. L’accueil des Refugios Grey et Paine Grande était incroyable. Ici par contre, l’amabilité n’est pas au menu. Les portions réduites, en revanche, le sont.
Jour 4 : Un peu de repos
La quatrième journée est presque une journée de repos, enfin surtout en comparaison avec la journée précédente. Il s’agit de rejoindre le Refugio El Chileno qui est l’antichambre des Torres. On y passe une fin d’après-midi au chaud au coin du feu à discuter des différentes options pour le lever de soleil qui nous attend. Il faut savoir que les Torres sont encore à deux petites heures de marche de notre palace.
Les chances de succès sont maigres. Surtout quand on voit la densité de nuages la veille de notre ascension. Le plan comporte trois options. Le plan A, préféré de Guillame, est d’aller photographier les Torres au milieu de la nuit, avec la voie lactée en arrière-plan.
Le plan B, plus raisonnable, est d’aller voir les premières lueurs du jours sur les Torres.
Le plan C, juste au cas où, est d’aller photographier les Torres une fois le soleil levé.
On met donc un réveil à 1h du matin, un autre à 2h45 et un dernier à 6h45.
Jour 5 : Un grand jour
John et Guillaume sont désignés volontaires pour évaluer l’état du ciel à 1h du matin. Le ciel est bien encombré, on décide donc de se recoucher. On ne se rendormira jamais vraiment, Guillaume se levant toutes les 20 minutes en se prosternant devant Éole pour qu’il fasse partir ces maudits nuages, John parce qu’un très grand jour l’attend. Un jour comme aucun autre…
C’est au milieu de la nuit, jeunes et fous, que l’on prend la direction des Torres. Tout ça ressemble bien à l’aventure du Huayna Potosi. On prend les mêmes et on recommence… Morgana ouvre la marche, motivant les troupes aux sons de (ses) rythmes cultes.
Après un chemin bien agréable, on atteint un champ de roches. Le chemin est nettement moins évident à trouver et surtout il commence à faire bien frais. Le vent souffle nettement plus fort sur cette section.
On atteint enfin le mirador et les Torres sont gigantesques. Mais qu’est-ce qu’il fait froid !
John et Morgana remettent en question le concept d’un sac de couchage par personne et parviennent à se faufiler dans un seul et même sac de couchage. Bon, la sortie a été nettement plus délicate semble-t-il… Guillaume et Tiffany préfèrent l’option tente. Pas sûr que ça soit la meilleure au vu du vent, démentiel…
On attend patiemment que le soleil se lève. On n’a pas idée de ce qui nous attend. Les Torres sont certes gigantesques mais pour l’instant bien ternes. Il fait de plus en plus jour, la voie lactée est partie depuis bien longtemps. Le festival est sur le point de commencer. Les rayons de soleil viennent chatouiller les Torres. Le rouge-orange est sans pareil. Un spectacle. Un rêve.
Mais le rêve ne dure pas longtemps. Une dizaine de minutes plus tard, Éole, qui a décidé de souffler à nouveau, apporte de nouveaux nuages. Et les Torres se trouvent à nouveau dans la grisaille. On est sur le point de plier les gaules, de rentrer au chaud. On est tous épuisés, gelés.
John retient Morgana sur le promontoire. Bien trop longtemps. Que fait-il ? On y va ou quoi ?
Il pose un genou à terre, puis un deuxième. Ce n’est pas une petite photo de couple comme une autre qui s’annonce… C’est bien plus. Morgana rêvait depuis un bon moment que son « petit muffin » passe à l’acte.
C’est dans un cadre absolument surréaliste que John, sur son 31 pour l’occasion, demande sa main à Morgana. Dans un cadre à la hauteur de ces San Franciscains d’exception.
Remis de nos émotions, on reprend la direction du refuge, avec une descente effectuée à toute vitesse. On prend ensuite le bus pour Puerto Natales. Le W est derrière nous. Les étapes sont parfois longues mais on a trouvé ce trek bien moins exigeant que le canyon de Colca ou le chemin Inca.
C’est l’heure d’aller fêter tout ca !
T & G
Bon plan photo de Torres del Paine : entre la plage d’icebergs du glacier Grey à deux pas du Refugio Grey, la vue permanente sur les montagnes, les plages proches du Refugio Los Cuernos ou le lever de soleil sur les Torres ; nos cœurs balancent…